Un fléau inacceptable

11 janvier 2012

Très chers amis et concitoyens, j’écris aujourd’hui ce texte pour vous parler d’un enjeu de société qui, je le crois sincèrement, touche chacun d’entre nous. Je veux dénoncer une injustice qui, chaque jour, fait des centaines, voir peut-être même des milliers de nouvelles victimes. Pourtant, le phénomène auquel je veux aujourd’hui vous exposer demeure au mieux marginalisé et au pire complètement ignoré par les différents paliers de gouvernement. Je vous citerais volontiers des statistiques sur le sujet, mais j’ai bien peur que de tels chiffres n’existent tout simplement pas. Aucun organisme n’est dédié à contrer ou prévenir ce problème. Vous ne verrez pas Roy Dupuis ou une toute autre célébrité se dresser devant ce monstre. Aucun des nombreux médias qui nous informent chaque jour n’ose alerter le public à propos de ce danger qui nous guette tous.

C’est pourquoi je trace ces lignes aujourd’hui. Il est temps d’arrêter de balayer cet enjeu sous le tapis et d’y faire face une bonne fois pour toutes. Il faut que quelqu’un, n’importe qui dise enfin tout haut ce que tout le monde pense tout bas : il est temps de bannir les toilettes automatiques.

Je serais presque quasiment prêt à peut-être possiblement mettre ma main au feu que la situation suivante vous est déjà arrivée. Vous pénétrez avec réticence dans une toilette publique et, comme toute personne sensée, vous faites l’une de deux choses. Si vous êtes comme moi, vous vous contentez d’au moins essuyer les gouttelettes d’eau (en espérant que c’est de l’eau) jonchant le siège de toute part. Par contre, si vous êtes un peu plus obsédé par la propreté, vous déposez de façon minutieuse bon nombre de languettes de papier sur le siège afin de former une barrière impénétrable entre vous et ce que vous percevez être un bassin de crasse et d’immondice.  Sauf qu’au moment de vous asseoir sur cette véritable œuvre d’art que vous venez de façonner, se déclenche soudainement un geyser destructeur venant ruiner tout votre beau travail. Vous remarquez alors un détail qui vous avait précédemment échappé. Là, au mur où devrait normalement se retrouver une sympathique chasse d’eau, figure plutôt le regard froid et calculateur d’un œil magique. Vous réalisez alors que vous venez de pénétrer dans l’antre du diable, mais il est trop tard, vos pantalons sont déjà autour de vos chevilles.

Vous vous résignez donc à vous asseoir sur ce monstre de porcelaine et, malgré la peur qui vous paralyse, vous finissez par faire ce que vous avez à faire. La satisfaction vous fait presque oublier votre situation fâcheuse et vous décidez donc d’être téméraire : vous changez légèrement de position. Dès que vous effectuez votre menu mouvement, vous êtes ramené à la réalité par une véritable douche d’eau froide. La tempête se met à faire rage en dessous de vous. Un torrent d’eau vous éclabousse, vous fouette, se frotte sans scrupule contre vos parties génitales et vous pourlèche l’anus, tout cela sans que vous ne puissiez faire quoi que ce soit pour l’en empêcher. Vous vous sentez humilié, trahi, violé et surtout complètement détrempé. Il ne vous reste plus qu’à essuyer tout ce gâchis et à tenter de reprendre une vie normale, en espérant que vous ne rencontrerez plus jamais un tel monstre.

Mais il est partout. Vous avez l’impression qu’il vous guette, qu’il vous épie. Prêt à poser ses dégoutantes tentacules aqueuses sur vous dès votre prochain moment de faiblesse. Lorsque vous serez vulnérable car vous n’aurez pas le choix; pas le temps.

Comment est-il possible qu’une société qui se prétende moderne laisse subir de telles atrocités à ses citoyens sur une base quotidienne?

L’argument principal que j’ai trouvé en faveur de ce type de toilette est celui de l’hygiène. En effet, on argumente que le fait de ne pas avoir à toucher la chasse d’eau permet d’éviter les dangereux pathogènes qui font de ce petit levier leur demeure. Or, voici mon contre argument : « Lave tes mains, criss de porc. ».

Je peux comprendre de ne pas se nettoyer les mains après avoir uriné. En fait, on pourrait même dire que je suis un adepte de cette pratique, surtout lorsqu’il n’y a personne d’autre dans la salle de bain pour me juger. Après tout, mon pénis est très propre et j’ai un contrôle urinaire suffisant pour ne pas me pisser sur les mains (mais tout cela est une autre histoire). Par contre, je ne peux admettre que quelqu’un omette de se laver les mains après avoir fait danser ses sphincters (une façon plus polie de dire « faire caca »). À moins de ne pas vous être essuyé du tout, vous venez littéralement de plonger votre main dans l’antre de la bête, en la protégeant uniquement d’une mince couche de papier. Tout cela pour dire que le levier de chasse d’eau devrait être le moindre de nos soucis. Dans un monde idéal, nous devrions toujours nous laver les mains après les avoir frottées contre notre anus, peu importe si nous devons par la suite activer une petite manivelle ou non.

Donc, chers amis, je vous le demande. Ne chions nous pas tous d’un même cul? La charte des droits et libertés ne couvre-t-elle pas aussi nos fesses? Ne méritons nous pas un monde meilleur? Un monde où chacun peut aller aux toilettes paisiblement, sans devoir s’attendre à subir des représailles sous forme d’éclaboussures anales? Bien sûr, certains diront qu’il y a de nos jours des problèmes plus graves au Québec comme le suicide ou le cancer ou Claude Poirier. À cela je réponds oui, certainement. Mais comment pouvons nous espérer vaincre ces fléaux si nous ne sommes même pas capables d’aller aux toilettes sans craindre de se faire mouiller le cul?